MÉMOIRE ADRESSÉ AU
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
AU SUJET DU BUDGET FÉDÉRAL DE 2011

PAR

L’ASSOCIATION OF
NOVA SCOTIA UNIVERSITY TEACHERS
(ANSUT)

1. Introduction et résumé

L’Association of Nova Scotia University Teachers (ANSUT) représente actuellement les associations d’enseignants de toutes les universités et tous les établissements de délivrance de diplômes de la Nouvelle-Écosse sauf deux. Ses membres comprennent plus de la moitié des enseignants à temps plein et des bibliothécaires de la province, ainsi que le personnel enseignant à contrat de certaines de ses établissements membres.

Bien que le tableau économique mondial reste flou, le Canada a nettement mieux bravé la crise financière que la plupart des autres pays industrialisés. Étant donné l’objectif déclaré du comité d’assurer une reprise économique soutenue et de créer des emplois durables et de qualité, l’ANSUT estime que financer l’enseignement postsecondaire et la recherche constitue l’un des investissements les plus importants que puisse faire le gouvernement. Assurer un enseignement postsecondaire abordable, accessible et de grande qualité est vital pour que le Canada obtienne une croissance et un développement durables à long terme.

Hélas, il est évident que les coupures budgétaires fédérales imposées depuis le milieu des années 1990 ont nui à la qualité et à l’abordabilité de l’enseignement postsecondaire et empêché de nombreux Canadiens d’atteindre leur plein potentiel. Bien que le financement de certaines initiatives ait été rétabli dans une certaine mesure — par exemple pour les Chaires de recherche du XXIe siècle, divers programmes d’infrastructure et, plus récemment, la création des Chaires d’excellence en recherche du Canada —, cela est loin de suffire pour commencer à s’attaquer aux problèmes posés par la hausse du nombre d’étudiants et de leur endettement, ainsi que par les pressions exercées sur ces derniers pour qu’ils occupent des emplois à temps partiel nuisant gravement à leurs études.

De même, bien qu’il faille se réjouir du maintien de l’indexation du Transfert social canadien (TSC), les politiques de financement de l’enseignement postsecondaire très différentes adoptées par les diverses provinces démontrent clairement qu’il existe de graves disparités de l’abordabilité et de l’accessibilité d’un océan à l’autre. L’ANSUT croit que le gouvernement fédéral possède clairement la marge de manœuvre financière nécessaire pour investir davantage dans l’enseignement postsecondaire, et que ces investissements sont particulièrement urgents lorsque plusieurs gouvernements provinciaux sont sur le point de ralentir ou réduire les leurs.

Afin de corriger les effets du long sous-financement de l’enseignement postsecondaire, l’ANSUT recommande de rétablir l’investissement dans l’enseignement postsecondaire dans le cadre d’une loi sur l’enseignement postsecondaire qui assurera la reddition de comptes des gouvernements provinciaux et permettra d’améliorer la qualité et l’abordabilité de l’enseignement secondaire pour tous les Canadiens admissibles.

L’ANSUT s’inquiète également de la réduction, en termes réels, des budgets de base des trois conseils subventionnaires survenue de 2007-2008 à 2011-2012. Des niveaux de financement suffisants pour la recherche fondamentale sont clairement essentiels pour maintenir notre capacité de soutenir la concurrence des autres économies industrialisées et pour accroître le nombre de chercheurs bien formés et qualifiés qui assureront cette compétitivité. Confrontés à des difficultés économiques beaucoup plus grandes que celles du Canada, les États-Unis ont accru considérablement leur financement de la recherche fondamentale, créant ainsi la très réelle possibilité que certains de nos meilleurs chercheurs traversent la frontière en quête de meilleurs débouchés.

L’ANSUT recommande donc que le financement des trois conseils subventionnaires du Canada soit relevé pour compenser l’érosion en termes réels survenue depuis 2007-2008, et ce, en proportion de l’investissement accru des États-Unis dans la recherche.

En outre, l’ANSUT fait remarquer les graves inégalités résultant d’une formule de financement en vertu de laquelle des fonds sont accordés aux provinces en fonction de leur population plutôt que du nombre de leurs étudiants. Cela a un effet discriminatoire sur des provinces telles que la Nouvelle-Écosse qui accueillent un nombre d’étudiants supérieur à la moyenne du Canada. Cette inégalité est exacerbée par certaines des initiatives de financement de la recherche prises par le gouvernement actuel et par le gouvernement précédent qui amènent à financer de manière disproportionnée les provinces les plus grandes et les plus prospères.

L’ANSUT recommande que soit révisée la formule de financement actuelle, qui accorde aux provinces les fonds destinés à l’enseignement postsecondaire en fonction de la population, et que la ventilation future se fonde plutôt sur le nombre d’étudiants effectivement inscrits.

L’ANSUT estime que l’avenir social, économique et culturel du Canada exige des citoyens hautement scolarisés disposant des moyens nécessaires pour optimiser leur potentiel, et ce, quelle que soit leur province de résidence. Nous sommes également convaincus que la situation actuelle dans laquelle nos étudiants entrent dans la population active avec l’un des taux d’endettement les plus élevés au monde ne contribue pas à cet objectif.

2. Le financement de l’enseignement postsecondaire

Comme d’autres secteurs, les universités et collèges du Canada ont subi les effets de la récession. Toutefois, leurs principaux problèmes résultent du fait qu’ils sont depuis longtemps sous-financés par les pouvoirs publics. Alors que les subventions de fonctionnement du gouvernement représentaient 80 % du total des revenus de fonctionnement des universités en 1990, cette proportion était tombée à 58 % en 2009. En outre, comme la réduction des transferts en espèces a forcé les provinces à trouver elles-mêmes des solutions au problème, cela a débouché sur de profondes inégalités entre elles. En Nouvelle-Écosse, par exemple, le financement gouvernemental ne représentait plus que 42 % des revenus de fonctionnement totaux à la fin de l’exercice budgétaire de 2008. Il faudrait un investissement supplémentaire immédiat de plus de 400 millions de dollars durant le prochain exercice rien que pour revenir aux niveaux de financement de 1993.

Cela dit, accroître l’investissement ne sera pas suffisant. Étant donné les disparités entre la manière dont les différentes provinces ont résolu les problèmes financiers causés par les coupures budgétaires des années 1990, il importe de s’assurer que les transferts en espèces aux provinces à l’appui de l’enseignement postsecondaire sont effectivement utilisés à cette fin. L’ANSUT appuie la recommandation de l’ACPPU en vertu de laquelle le financement de l’enseignement secondaire ne doit pas seulement être augmenté, il doit aussi être régi par une loi sur l’enseignement postsecondaire inspirée de la Loi canadienne sur la santé. Dans cette loi, le gouvernement fédéral devrait définir clairement les responsabilités respectives des gouvernements fédéral et provinciaux, fixer des principes et lignes directrices s’appliquant à tous les gouvernements, établir des mécanismes d’exécution adéquats et adopter une formule de financement stable à long terme.

Tel qu’indiqué ci-dessus, l’ANSUT estime par ailleurs que cette formule de financement devrait être fondée non pas sur la population de la province mais sur le nombre d’étudiants effectivement inscrits, ce qui récompenserait les provinces apportant une contribution supérieure à la moyenne à l’éducation des citoyens canadiens au lieu de les traiter de manière discriminatoire comme le fait le système de financement actuel. Même si l’enseignement postsecondaire relève des provinces, il fournit un bien national et le gouvernement fédéral a tout intérêt à ce que ses avantages soient répartis équitablement.

3.  Investir dans la recherche

Bien que la réduction du financement de base des universités et collèges soit la principale source de leurs problèmes, l’ANSUT est également préoccupée par l’incidence préjudiciable de la réduction des crédits gouvernementaux pour la recherche. Certes, le gouvernement actuel a pris des initiatives louables telles que les Chaires d’excellence en recherche du Canada et les Bourses postdoctorales Banting, mais cela ne saurait compenser l’érosion constante du financement des trois organismes subventionnaires. Dans le budget 2009, le financement des conseils a été réduit de 147,9 millions de dollars sur trois ans, ce qui a entraîné l’élimination de plusieurs programmes qui appuyaient la recherche fondamentale. Malgré les modestes augmentations des deux budgets suivants, l’effet cumulatif, corrigé de l’inflation, a été une érosion constante des budgets de base des trois conseils. Entre 2007-2008 et 2011-2012, le financement du CRSH aura baissé de plus de 10 % en termes réels; celui du CRSNG, de 1,2%; et celui des IRSC, de 4,1 %

Étant donné que ce sont ces organismes subventionnaires qui financent la majeure partie de la recherche universitaire, cela signifie que le financement d’un petit nombre de projets de recherche ne se fait qu’au prix d’une réduction de l’appui à la majorité des chercheurs du Canada. Se concentrer uniquement sur des éléments choisis de la superstructure en négligeant les fondations sur lesquelles elle repose est la recette idéale pour courir à la catastrophe. Alors que le Canada réduisait son appui à la recherche fondamentale, les États-Unis augmentaient le leur, ce qui nous expose au risque réel de voir nos meilleurs chercheurs partir aux États-Unis en quête d’un soutien financier adéquat.

En outre, l’ANSUT s’inquiète de la tendance croissante du gouvernement fédéral à essayer de déterminer quelles disciplines et quels domaines de recherche devraient recevoir son appui financier. Cela va totalement à l’encontre de toutes les données démontrant que les découvertes scientifiques les plus importantes sont le fruit d’une recherche fondamentale suscitée par la quête de connaissances plutôt que par des diktats gouvernementaux. Le mécanisme le plus adéquat d’attribution des crédits de recherche est un processus d’examen par les pairs où les décisions sont prises par les personnes qui connaissent le mieux le domaine.

C’est pour ces raisons que nous recommandons que le budget des trois organismes subventionnaires du Canada soit relevé pour compenser l’érosion en termes réels survenue depuis 2007-2008, et ce, en proportion de l’investissement accru des États-Unis dans la recherche.

L’ANSUT craint également que la récente politique du gouvernement réduise l’aptitude de Statistique Canada à fournir les données dont dépend un grand pan de recherche essentielle. Du fait de la réduction des crédits de Statistique Canada, plusieurs enquêtes importantes ont été éliminées, alors que la décision du gouvernement de rendre facultatif le questionnaire long du recensement a été dénoncée par les statisticiens et les spécialistes en sciences sociales de tout le pays. Comme l’ont dit les experts, ce changement portera atteinte à l’intégrité des données recueillies et empêchera les chercheurs de produire des résultats fiables, lesquels sont pourtant cruciaux pour guider l’élaboration des politiques publiques.

4.         Conclusion

L’ANSUT est préoccupée par le fait que l’accessibilité et la qualité de l’enseignement secondaire ont été compromises par un long sous-financement. En moyenne, les frais de scolarité du premier cycle au Canada ont explosé depuis 1990-1991, passant de 1 270 $ à 4 917 $, ce qui représente une hausse de plus de 287 %. À titre de comparaison, l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 46 % durant la même période, ce qui montre clairement dans quelle mesure les gouvernements successifs ont transféré le fardeau financier de l’enseignement sur les épaules des jeunes.

Certes, d’aucuns soutiennent que cette hausse n’a eu aucune influence sur les effectifs étudiants, mais cela reflète essentiellement l’importance croissante des études postsecondaires pour pouvoir décrocher un emploi. Des données de plus en plus nombreuses indiquent que l’accès des étudiants de familles à revenu modique est de plus en plus touché. De fait, des études britanniques ont montré que la hausse des frais de scolarité a pour effet de modifier les caractéristiques des cohortes entrant à l’université dans la mesure où une plus grande proportion d’étudiants moins qualifiés de familles nanties entrent aux dépens d’étudiants plus qualifiés de familles moins nanties.

En outre, à mesure qu’augmentent les frais de scolarité, un nombre croissant d’étudiants sont forcés d’accepter de plus en plus d’emplois à temps partiel pour éviter d’accroître leur endettement déjà insupportable, et ce sont leurs études qui en souffrent. Comme le coût des études postsecondaires augmente, la possibilité pour les étudiants de tirer pleinement parti des opportunités qu’elles offrent est de plus en plus compromise.

De plus, dans les disciplines où les frais de scolarité étaient déjà beaucoup plus élevés, comme la médecine, l’art dentaire et le droit, des données croissantes indiquent que les choix de carrière des étudiants à l’obtention du diplôme sont dictés par la nécessité d’optimiser leurs revenus plutôt que par ce qui pourrait les intéresser plus ou offrir plus de valeur sociale. Par exemple, le nombre d’étudiants en médecine familiale est aujourd’hui à un minimum record alors qu’augmente le nombre de ceux de spécialités plus lucratives ou qui envisagent même de faire des carrières mieux rémunérées aux États-Unis. Il est donc de plus en plus difficile de garder les médecins au Canada ou d’encourager les jeunes médecins à aller s’établir en région ou à exercer en santé publique et en médecine familiale.

L’ANSUT croit que la priorité du gouvernement fédéral devrait être de rehausser le niveau de l’aide consentie par le truchement du Programme canadien de subventions aux étudiants tout en augmentant le financement de base et en collaborant avec les provinces pour faire en sorte que les frais de scolarité soient ramenés à un niveau suffisamment bas pour ne plus influer sur l’accessibilité et la qualité de l’enseignement.

Nous tenons surtout à attirer l’attention du Comité sur les dommages causés aux étudiants par les politiques du gouvernement fédéral depuis plus d’une décennie. Comme nous l’avons dit, le résultat des hausses massives de frais de scolarité conjuguées aux aspects inadéquats du soutien financier consenti aux étudiants est que ces derniers ont maintenant les plus hauts niveaux d’endettement au monde. Étant donné que l’imposition de frais de scolarité est l’exception plutôt que la règle dans les pays développés, il est difficile de voir comment cela peut se justifier. Que des gouvernements s’efforcent d’abord de donner des avantages fiscaux profitant principalement à ceux qui ont eu accès à un enseignement bien meilleur marché des années auparavant, tout en continuant à appliquer des politiques qui imposent à nos enfants le fardeau d’un endettement paralysant, est contraire autant au bon sens qu’à l’éthique.

Comment tout cela aidera-t-il à équilibrer le budget, une autre priorité selon le comité? L’ANSUT tient à souligner que la dette fédérale en pourcentage du PIB est maintenant moins élevée qu’en 2005-2006, avant le début de la crise financière mondiale, et que ce ratio est même inférieur à celui de tous les autres pays du G7. Cela semble indiquer que la priorité du gouvernement devrait certainement être de prendre des mesures pour maintenir notre reprise économique actuelle, réduisant ainsi davantage le déficit, au lieu de faire des coupures qui pourraient bien compromettre cette reprise. Quoi qu’il en soit, étant donné que le gouvernement s’est engagé actuellement à effectuer des investissements massifs dans des domaines comme l’achat d’avions de chasse d’avant-garde, au moment où les menaces militaires contre lesquels ces appareils devraient nous protéger ne cessent de s’atténuer, ou comme l’expansion du système carcéral au moment où la criminalité diminue, l’ANSUT croit qu’il y a en réalité une grande marge de manœuvre budgétaire pour pouvoir effectuer le genre d’investissements que nous préconisons et qui constitueraient de réelles assises pour une croissance économique soutenue.

L’ANSUT recommande par conséquent :

Afin de corriger les effets du long sous-financement de l’enseignement postsecondaire, que le gouvernement rétablisse l’investissement dans l’enseignement postsecondaire dans le cadre d’une loi sur l’enseignement postsecondaire qui assurera la reddition de comptes des gouvernements provinciaux et permettra d’améliorer la qualité et l’abordabilité de l’enseignement secondaire pour tous les Canadiens admissibles.

Que le financement des trois conseils subventionnaires du Canada soit relevé pour compenser l’érosion en termes réels survenue depuis >2007-2008, et ce, en proportion de l’investissement accru des États-Unis dans la recherche.

Que soit révisée la formule de financement actuelle, qui accorde aux provinces les fonds destinés à l’enseignement postsecondaire en fonction de la population, et que la ventilation future se fonde plutôt sur le nombre d’étudiants effectivement inscrits.

Selon nous, l’application de ces diverses mesures fera beaucoup pour résoudre la crise existant actuellement dans l’enseignement postsecondaire canadien aux paliers national et provincial.

Ce mémoire est respectueusement présenté au nom de
l’Association of Nova Scotia University Teachers

Chris Ferns Président